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FAUTE INEXCUSABLE EN DROIT DES TRANSPORTS: SA QUALIFICATION RESTE EXCEPTIONNELLE SOUS LE STRICT CONTRÔLE DE MOTIVATION EXERCE PAR LA COUR DE CASSATION

Cour de cassation, chambre commerciale, 13 février 2019, n° de pourvoi: 17-28550

La témérité (élément le plus difficile à démontrer) peut être illustrée par une attitude particulièrement négligente du style « ça passe ou ça casse » ou « il y a un risque, je le prends et on verra bien ».

Une telle attitude fataliste, qui frôle la mauvaise foi, est naturellement rarissime de la part d’un professionnel moyennement diligent. La preuve est donc particulièrement difficile à apporter pour les ayants droit à la marchandise.
Dans cet affaire, les juges versaillais ont encouru la critique de la Cour de cassation car les éléments retenus ne permettaient pas, selon la haute juridiction, de caractériser la faute inexcusable privative des limitations légales au sens de l’article L.133-8 du code de commerce.

Il s’agissait des éléments suivants retenus par les juges du fond :
– La livraison tardive de la marchandise chez le destinataire (non respect des horaires convenus) ;
– L’entreposage subséquent de la marchandise dans un endroit sans une surveillance directe et efficace ;
– La nature particulièrement sensible du fret (marchandise facilement « écoulable »).

“(…) Vu l’article L. 133-8 du code de commerce ;
Attendu que pour condamner in solidum le commissionnaire de transport et le voiturier à payer une certaine somme à la société AIG Europe Limited, avec intérêts, l’arrêt constate que la livraison de la marchandise, qui devait être réalisée le 21 mai 2012 avant midi, n’est intervenue que trois jours plus tard, en raison du non-respect des horaires de réception chez le destinataire par les différents chauffeurs ayant pris en charge la palette, de sorte que les colis transportés sont, durant ce laps de temps, retournés chaque jour en zone de transit dans un entrepôt ; qu’il relève que ce bâtiment dispose de trente rideaux de quais et que vingt-quatre caméras vidéos sont disposées sur les montants de la structure, permettant de contrôler les allées et venues du personnel et des colis, mais toutefois sans surveillance en direct ; qu’il ajoute que ces rideaux de quais ne sont pas reliés à une société de télésurveillance après fermeture et que la palette était installée dans un emplacement sombre en raison de la présence d’une mezzanine et non couvert par les caméras vidéo mises en place ; qu’il retient encore qu’il s’agissait de produits de valeur, correspondant à de la téléphonie mobile, objets de soustractions frauduleuses courantes et assez aisément négociables ;
Qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la faute inexcusable du transporteur, laquelle est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, et non une simple faute d’imprudence ou de négligence, ni même une négligence grave, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE (…)”

La solution retenue par la Cour de cassation doit être, à notre avis, approuvée : la témérité ne se déduit pas des seules défaillances matérielles du voiturier : l’élément psychologique (conscience de la probabilité du dommage et son acceptation sans raison valable) faisait donc défaut.

Autrement dit, une simple faute d’imprudence ou de négligence (comme c’était le cas dans cette affaire) ne se qualifie pas automatiquement en une faute inexcusable.

Rappelons, que pour les juges suprêmes, le fait d’endommager la marchandise en passant sous un pont ne constitue pas non plus pour un transporteur une faute inexcusable (Com., 11 avril 2018, N° de pourvoi: 17-12975), à défaut, là-encore, d’autres éléments permettant de caractériser l’attitude téméraire du transporteur et sa conscience de la probabilité du dommage.