Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 janvier 2019, 17-16604.
En matière de contrat de transport, la jurisprudence a reconnu qu’un vol avec ruse est constitutif de la force majeure.
Une illustration jurisprudentielle a récemment été apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 30 janvier 2019.
“Mais attendu que l’arrêt retient qu’après le passage du péage sur l’autoroute, le chauffeur a été contraint par l’intervention d’un véhicule de marque Peugeot, muni d’un gyrophare, à s’arrêter sous un pont sur une portion de route réservée au service, où quatre individus cagoulés et porteurs de blouson de police l’ont, ainsi que son accompagnateur, fait sortir du camion avant de les attacher ; qu’il retient encore que ce véhicule et ses occupants avaient toutes les apparences d’un véhicule de service et de policiers et que leur intervention, par sa violence et son effet de surprise sur le conducteur et son passager, ne pouvait être évitée par le transporteur, pas plus que ses conséquences, ses employés ayant été attachés par les auteurs des faits ; qu’en déduisant de ces constatations et appréciations l’existence de circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier, au sens de l’article 17-2 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision de le décharger, par application de ce texte, de sa responsabilité ; que le moyen n’est pas fondé (…)”.
En matière de contrat de transport, la jurisprudence a reconnu qu’un vol avec ruse est constitutif de la force majeure car « dans un Etat de droit, tout citoyen n’est pas obligé de s’attendre que de la simple interpellation d’un autre individu il va se trouver en présence d’une menace d’une action à force ouverte ».
Ainsi, tel est le cas lorsque le chauffeur s’arrête pour aider un individu qui demande des renseignements (TC Lyon, 7 novembre 1997, Juris-Data : 1997-710041) :
« Attendu qu’en aucun moment, il ne ressort de la relation des fait que le chauffeur qui était un chauffeur expérimenté, ancien dans l’entreprise, ait été soit de connivence, soit imprudent en s’arrêtant pour répondre à une demande de renseignement qui lui était présentée à la sortie de la zone commerciale de Virolle et ce, à 11h du matin ; Attendu que dans un Etat de droit, tout citoyen n’est pas obligé de s’attendre que de la simple interpellation d’un autre individu il va se trouver en présence d’une menace d’une action à force ouverte ».
A plus forte raison, lorsqu’un chauffeur ou un gardien est interpellé par des malfaiteurs déguisés en policiers, comme c’est le cas en l’espèce lorsque Monsieur Laos est sorti de sa guérite pour un contrôle d’entrée, il peut légitiment croire qu’il s’agit d’un simple contrôle et non pas d’un acte délictueux.
Ainsi, le Tribunal de commerce de Bobigny a retenu la force majeure dans un jugement du 24 juin 2005 (RG : 2003 F01376) :
« Attendu que les personnes ayant toute apparence de la force publique et opérant avec un véhicule à gyrophare, le chauffeur ne pouvait supposer qu’il s’agisse de faux policiers et a pu légitiment penser, s’il en a eu le temps, ce qui est douteux en raison de l’immédiateté et de la brièveté de leur « intervention » qu’ils allaient le verbaliser ou procéder à un contrôle, Attendu que le chauffeur ne pouvait prendre aucune mesure pour éviter ce vol ».
Dans ce même ordre d’idée, le Tribunal de commerce de Nanterre a également jugé, dans un jugement du 3 avril 1998 (Juris-Data : 1998-710218) que des stratagèmes consistant à utiliser l’apparence de la force publique pour obliger le chauffeur de stopper son véhicule et le faire descendre de la cabine sont caractéristiques de la force majeure :
«(…) le chauffeur de TRANSTIRA, se trouvant au volant de son camion, a été arrêté le 23/07/96 sur la route de Minsk, de jour, vers 11 heures, à 70 kms de Moscou, par deux inconnus en uniforme d’officiers appartenant à la police de la route en tenue se tenant auprès d’un véhicule équipé d’un gyrophare et qu’il ne pouvait qu’obtempérer alors qu’il n’avait commis aucune imprudence roulant de jour sur une route importante et qu’il ne pouvait éviter les circonstances de cette arrestation ; (…)
Que (…) le chauffeur a été invité à rentrer dans le véhicule des miliciens dans lequel se trouvait un individu se présentant comme les représentant de la douane et où sont venus le rejoindre deux autres individus qui, “tout en le menaçant, lui ont bandé les yeux, l’ont entraîné dans la forêt, l’ont obligé à boire de la vodka, puis l’ont roué de coups lui infligeant des lésions corporelles de gravité moyenne” ; “qu’à la suite de ces coups le chauffeur s’est évanoui et quand il a repris connaissance il faisait nuit, il était ligoté et recouvert de branchages” ; que seul contre trois le chauffeur ne pouvait se défendre contre l’agression violente à laquelle il a été soumis, qu’aucune faute, imprudence ou manque de courage ne peuvent lui être reprochés ; et qu’ainsi il ne pouvait être obvié à ces circonstances pour y faire obstacle et y parer ;
Qu’ainsi le Tribunal estimera que le vol du camion et de sa cargaison a été effectué dans des circonstances inévitables dans leurs causes, insurmontables dans leurs effets et auxquelles il ne pouvait être obvié ;
Qu’ainsi sont réunies les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 17 de la CMR ».